Le Canada et le Mexique signent un accord visant à renforcer leurs liens commerciaux

Le premier ministre Mark Carney accueille la présidente mexicaine Claudia Sheinbaum au Sommet du G7 à Kananaskis, en Alberta, le mardi 17 juin 2025. LA PRESSE CANADIENNE/Adrian Wyld

Le Canada et le Mexique ont conclu un accord visant à renforcer leurs liens commerciaux et leurs partenariats afin de construire des infrastructures, telles que des ports, des voies ferrées et des corridors énergétiques, tout en luttant contre la criminalité et en protégeant l’environnement.

L’accord, présenté comme un partenariat stratégique global, a été signé jeudi à Mexico par le premier ministre Mark Carney et la présidente mexicaine Claudia Sheinbaum.

Il comprend un plan pour une mission commerciale au Mexique et un financement de 9,9 millions $ pour des projets menés par les Nations Unies afin de lutter contre la drogue et de soutenir l’intégration des migrants.

Le ministre canadien de l’Agriculture et de l’Agroalimentaire, Heath MacDonald, se rendra au Mexique le mois prochain pour discuter des possibilités offertes par le commerce agricole. Le ministre responsable du Commerce Canada–États-Unis, Dominic LeBlanc, dirigera une mission commerciale au Mexique peu après afin de tirer parti des «opportunités immédiates» en matière de commerce et d’investissement.

«Le Canada et le Mexique entrent dans une nouvelle ère de coopération. Nous intensifions nos partenariats dans les domaines du commerce, de l’investissement, de l’énergie et de la sécurité, afin d’amener plus d’occasions pour les travailleurs canadiens, un accès élargi aux marchés pour les entreprises canadiennes et une plus grande certitude pour les investisseurs canadiens, tout en faisant de l’Amérique du Nord la région économique la plus compétitive et la plus dynamique au monde», a déclaré M. Carney dans un communiqué de presse. 

Les deux dirigeants ont souligné que cette entente «complétera» l’Accord commercial Canada–États-Unis–Mexique (ACEUM). 

M. Carney s’est dit convaincu que les examens individuels des pays et les discussions collectives sur l’ACEUM «renforceront nos économies».

La Chambre de commerce du Canada, qui faisait partie de la délégation au Mexique, a salué cette annonce, la qualifiant d’«étape essentielle vers la réalisation du potentiel inexploité des relations canado-mexicaines».

«Alors que le Canada diversifie ses échanges commerciaux, le Mexique devrait figurer en tête de liste, et les entreprises des deux pays sont prêtes à s’y engager», a affirmé Catherine Fortin-LeFaivre, vice-présidente principale de la politique internationale et des partenariats mondiaux.

«Le Mexique figure déjà parmi nos trois principaux partenaires commerciaux, et nous devrions poursuivre sur cette lancée. La Chambre de commerce du Canada enverra une délégation commerciale au Mexique en février 2026 afin de transformer cet élan en opportunités concrètes», a-t-elle annoncé. 

Selon Mme Fortin-LeFaivre, en tant que «plus gros clients» des États-Unis, une relation solide entre les deux pays les place dans une meilleure position pour négocier un nouvel accord commercial l’année prochaine qui sera bénéfique pour les entreprises des trois pays.

Plus tôt dans la journée, avant sa rencontre avec M. Carney, Mme Sheinbaum a déclaré que les visas de travail de courte durée et l’expansion des routes commerciales maritimes entre le Canada et le Mexique étaient au cœur de son ordre du jour.

Lors de la conférence de presse, elle a indiqué que les deux pays avaient convenu de maintenir les visas de travail et que leurs ministères du Travail poursuivraient leur collaboration.

Cette rencontre survient alors que les deux dirigeants s’efforcent de relever les défis commerciaux mondiaux liés au programme tarifaire du président américain Donald Trump. 

Lors de sa conférence de presse matinale, juste avant l’arrivée de M. Carney, Mme Sheinbaum a affirmé que les trois pays signataires de l’ACEUM souhaitent le renforcer.

Elle a ajouté que la visite de M. Carney offre l’occasion de consolider les relations bilatérales entre le Canada et le Mexique.

Mme Sheinbaum a indiqué que le Mexique propose d’augmenter le nombre de visas de travail spéciaux permettant aux Mexicains de travailler au Canada, soulignant que le Canada étudie déjà la question.

Elle a fait savoir qu’elle discuterait également avec M. Carney de propositions visant à accroître les échanges commerciaux entre le Mexique et le Canada par l’entremise des ports des côtes Pacifique et Atlantique.

Le Canada souhaite accroître ses échanges commerciaux avec le Mexique en réponse à la guerre commerciale menée par les États-Unis et alors que les deux pays se préparent à la renégociation de l’accord commercial continental liant les trois économies.

La ministre des Affaires étrangères, Anita Anand, et le ministre des Finances, François-Philippe Champagne, se sont rendus au Mexique en août pour discuter de croissance économique, de sécurité et de commerce. Ils étaient accompagnés d’une délégation de chefs d’entreprise canadiens et mexicains.

M. Carney et Mme Sheinbaum devaient s’entretenir en tête-à-tête jeudi après-midi, suivi d’un déjeuner de travail avec Mme Anand, le ministre du Commerce canado-américain, Dominic LeBlanc, et la secrétaire parlementaire de M. Carney, Rachel Bendayan.

Cette réunion devait porter sur la combinaison des efforts visant à lutter contre le trafic de drogue et d’armes à feu, ainsi que d’autres activités liées au crime organisé. 

M. Carney et Mme Sheinbaum devaient également discuter de la coopération en matière de sécurité afin d’établir une communication et une collaboration régulières entre les deux pays.

Concurrents ou amis?

Solange Márquez, experte en diplomatie et en gouvernance mondiale, est professeure à l’Université nationale autonome du Mexique et à l’Université de Toronto. Elle a avancé que le Mexique et le Canada étaient désireux de reconstruire leurs relations avec les États-Unis et qu’ils avaient récemment manifesté peu d’intérêt pour leur relation bilatérale.

«Nous nous considérons davantage comme des concurrents que comme des amis. Les deux pays cherchent à pénétrer le marché américain et à nouer des relations plus amicales avec la Maison-Blanche», a-t-elle indiqué.

Cela est particulièrement vrai pour le secteur automobile, qui joue un rôle important dans l’économie des deux pays, a-t-elle ajouté. L’administration du président américain Donald Trump tente d’attirer davantage de production automobile aux États-Unis en imposant des droits de douane sur le Canada et le Mexique.

Le Mexique a également pris note des propos virulents tenus par le Canada après que Donald Trump a accusé les deux pays d’avoir fermé les yeux sur le trafic de fentanyl l’année dernière.

Le premier ministre de l’Ontario, Doug Ford, avait affirmé en novembre dernier que «nous comparer au Mexique est la chose la plus insultante que j’aie jamais entendue», tandis que le premier ministre de l’époque, Justin Trudeau, avait exprimé ses inquiétudes concernant les investissements chinois dans les chaînes d’approvisionnement mexicaines.

Mme Sheinbaum avait répliqué quelques jours plus tard, affirmant que son pays «doit être respecté, en particulier par ses partenaires commerciaux», et que le Canada «ne pourrait que souhaiter avoir la richesse culturelle du Mexique».

Selon Mme Márquez, le Mexique avait initialement été contrarié par ces déclarations, mais «c’est du passé». Elle a ajouté que M. Carney est perçu au Mexique comme un facteur de renforcement des relations et de respect du gouvernement de Mme Sheinbaum.

«Pour Mme Sheinbaum, la relation est complètement différente de celle qu’elle entretenait avec M. Trudeau, a souligné Mme Márquez. Ils se comprennent très bien.»

De hauts fonctionnaires du gouvernement ont acquiescé, affirmant que la relation est «positive» depuis l’arrivée de M. Carney au pouvoir. Ils ont également souligné l’objectif commun des deux chefs d’État d’accroître la production nationale et de renforcer la résilience de leur économie.

Des objectifs clairs à définir

D’après Mme Márquez, les deux dirigeants doivent s’asseoir à la table des négociations avec des objectifs clairs, notamment garantir l’unité du Mexique et du Canada à l’approche de la renégociation de l’accord commercial Canada-États-Unis-Mexique (ACEUM).

Donald Trump pourrait tenter de les diviser afin d’obtenir un meilleur accord pour son pays, a-t-elle rappelé.

Le chef conservateur Pierre Poilievre a accusé le mois dernier les libéraux de ne pas avoir réussi à conclure un accord commercial bilatéral avec le Mexique. Or, le gouvernement Carney affirme n’avoir jamais cherché à conclure un accord bilatéral avec le Mexique qui exclurait les États-Unis.

Interrogé sur l’origine de l’idée de M. Poilievre, son cabinet a expliqué que Mme Sheinbaum avait été interrogée par les médias locaux sur sa volonté de conclure un accord bilatéral avec le Canada.

Lorsqu’on lui a demandé la semaine dernière si elle et M. Carney discuteraient de la renégociation imminente de l’ACEUM, Mme Sheinbaum a souligné que le Mexique et le Canada s’engagent dans de nombreux échanges commerciaux et investissements bilatéraux.

Elle a déclaré mercredi, lors d’une conférence de presse, que la visite de M. Carney ne visait pas à affaiblir l’alliance continentale.

«Les trois pays souhaitent maintenir (l’accord commercial), mais nous souhaitons renforcer les échanges commerciaux avec le Canada», a-t-elle expliqué. Elle a ajouté que le Mexique souhaite également que les sociétés minières canadiennes se conforment davantage à la réglementation environnementale mexicaine.

Ottawa affirme que les relations commerciales bilatérales se développent, évoquant près de 56 milliards $ d’échanges bilatéraux de marchandises en 2024 et 46,4 milliards $ d’investissements directs au Mexique.

Mme Márquez a indiqué que le premier ministre passerait beaucoup de temps au Palais national, ce qui laisse entendre qu’il prend le temps nécessaire pour négocier et comprendre la position du Mexique.

Mme Sheinbaum a fait savoir qu’elle comptait travailler avec M. Carney sur «divers thèmes», notamment «le renforcement des échanges commerciaux maritimes et portuaires».

Mme Sheinbaum tente également de gérer ses relations avec la Chine, après avoir récemment annoncé des droits de douane sur les voitures et autres biens chinois en réponse aux pressions américaines. 

Des analystes ont noté que le Mexique n’avait pas immédiatement obtenu gain de cause auprès de Washington après l’annonce de cette mesure.

Le Canada, le Mexique et les États-Unis n’ont pas organisé de sommet des dirigeants nord-américains depuis celui de janvier 2023 à Mexico.

Ottawa devait accueillir l’événement — communément appelé «le sommet des Trois Amigos» — en 2024, mais il a été mis de côté par les élections aux États-Unis et au Mexique, ainsi que par les troubles politiques auxquels Justin Trudeau était confronté à l’époque.

De hauts fonctionnaires du gouvernement ont déclaré mercredi qu’ils ne prévoyaient pas d’organiser un autre sommet pour le moment, invoquant un manque d’intérêt de la part des trois pays.