Pourquoi les gens en région font-ils (un peu) plus d’enfants ?

La Presse Canadienne | 11 décembre 2025 | 14:47
À Montréal, l’indice synthétique de fécondité se situe au plus bas, avec seulement 1,11 enfant par femme. Valérian Mazataud Archives Le Devoir

Par Benoit Valois-Nadeau, Initiative de journalisme local, Le Devoir

Les dernières données publiées par l’Institut de la statistique du Québec (ISQ) laissent entrevoir une autre baisse générale de la fécondité, qui atteint maintenant le niveau le plus bas jamais enregistré dans la province. Cette baisse est particulièrement visible dans la région de Montréal, mais moindre dans les régions éloignées des grands centres. Pourquoi ?

À la grandeur du Québec, l’indice synthétique de fécondité (ISF) s’est établi à 1,33 enfant par femme en 2024, un record absolu depuis que l’ISQ compile ce type de données. Mais on peut observer des différences marquées d’une région à l’autre.

À Montréal, l’indice se situe au plus bas, avec seulement 1,11 enfant par femme, alors qu’en Chaudière-Appalaches, il atteint 1,65 enfant.

Le Nord-du-Québec, qui abrite une forte population autochtone, fait figure d’exception avec 2,28 enfants par femme, la seule région du Québec au-dessus du seuil de renouvellement de la population établi à 2,1 enfants.

Difficile de pointer un facteur en particulier pour expliquer une telle disparité régionale, puisque le projet d’avoir un enfant dépend à la fois des caractéristiques (âge, niveau d’éducation, etc.) de la population que de ses conditions de vie, précise Martine Saint-Amour, démographe à l’ISQ.

« C’est une conjugaison de facteurs », insiste la chercheuse en pointant d’abord des conditions qui nuisent à la fécondité en ville, à commencer par la situation financière ou l’accès au logement.

« Les couples qui désirent avoir des enfants peuvent être portés à quitter les grands centres pour s’établir ailleurs, notamment en périphérie, parce que les logements y sont plus grands et moins chers. Donc, on peut se retrouver dans les grands centres avec davantage de femmes qui soit ne désireront pas avoir d’enfants, ou qui vont juger qu’elles ne sont pas en mesure d’avoir des enfants pour différentes raisons. »

Cette disparité ville/campagne s’observe à l’intérieur même des régions administratives. Les MRC qui abritent les centres urbains régionaux ont généralement un indice de fécondité plus bas que leurs voisines rurales.

Par exemple, en Mauricie, Trois-Rivières a un indice de fécondité de 1,44 enfant par femme alors que La Tuque pointe à 2,36. Même chose en Estrie : Sherbrooke a un indice de 1,32 enfant par femme, mais celui de la MRC voisine du Haut-Saint-François est à 2,07.

Une question d’âge

Non seulement la fécondité est moindre en ville, mais elle aussi plus tardive. À Montréal, l’âge moyen des femmes à la maternité est de 33,1 ans. Sur la Côte-Nord, par exemple, il est de 29,2 ans.

« Plus de femmes entreprennent des études postsecondaires qu’avant, donc restent plus longtemps à l’école. Ça peut retarder le projet de famille », observe Martine St-Amour.

Puisque les grands centres concentrent les établissements d’enseignement supérieur, la fécondité est également tirée vers le bas dans ces endroits.

Ainsi, dans les régions de Montréal, de Laval, de la Montérégie et de la Capitale-Nationale, la fécondité des femmes de 30-34 ans surpasse nettement celle des femmes de 25-29 ans.

Le « calendrier de la fécondité » a aussi un effet sur la fécondité globale.

« On sait que la fertilité baisse avec l’âge. Donc, si une femme commence à vouloir des enfants dans la trentaine, peut-être que certaines d’entre elles ne réussiront pas à en avoir, ou en auront moins qu’elles auraient voulu au départ », souligne la démographe.

Une majorité de bébés nés à l’étranger à Montréal

Le nombre de naissances est en diminution au Québec depuis 2022, sauf peut-être à Montréal.

« Il y a tellement eu une forte croissance démographique à Montréal dans les dernières années, que malgré une fécondité en baisse et très basse, le nombre de naissances s’est maintenu », fait remarquer Mme St-Amour.

Montréal demeure donc l’un des rares endroits au Québec où l’accroissement naturel est encore positif, avec l’Outaouais, Laval, la Montérégie et le Nord-du-Québec, en grande partie grâce à l’apport de l’immigration internationale.

L’Institut de la statistique du Québec souligne d’ailleurs que la majorité des enfants nés à Montréal (69 %) et à Laval (60 %) en 2023 comptaient au moins un parent né à l’étranger.

Pour l’ensemble du Québec, cette proportion se chiffre à 37 %, une hausse remarquable par rapport à 2001 (21 %).

« Cette proportion-là est en hausse partout au Québec parce qu’il y a eu plus d’immigration au cours des dernières années, mais aussi parce qu’il y a une tendance à la régionalisation de l’immigration », note Martine St-Amour.

Ce reportage bénéficie du soutien de l’Initiative de journalisme local, financée par le gouvernement du Canada.