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Cryptomonnaie: aucune accusation de fraude n’a été portée par l’ARC depuis 2020
Un bitcoin exposé à Prague, en Tchéquie, le 11 mai 2025. PHTO AP/Petr David Josek L’Agence du revenu du Canada (ARC) reconnaît que, même si les audits portant sur les crypto-actifs ont permis de récupérer quelque 100 millions de dollars au cours des trois dernières années, aucune accusation pénale n’a été portée depuis 2020.
Pis encore, elle affirme que jusqu’à 40 % des contribuables qui utilisent des plateformes de cryptoactifs n’ont pas déclaré leurs impôts ou présentent un risque élevé de non-conformité.
Elle dit pourtant disposer d’une équipe de près de trois dizaines d’auditeurs travaillant sur plus de 200 dossiers liés aux cryptomonnaies et autres actifs numériques.
Les documents judiciaires concernant une société de cryptomonnaie établie à Vancouver montrent comment le gouvernement fédéral a tenté de lutter contre l’évasion fiscale et le financement illicite liés aux cryptomonnaies, tout en étant entravé par des ressources limitées pour faire respecter la loi.
En septembre, l’ARC s’est adressée à la Cour fédérale pour obtenir une ordonnance visant à dévoiler l’identité de milliers de clients de Dapper Labs, une société de Vancouver qui est un chef de file du secteur des jetons non fongibles, qui sont des représentations numériques uniques d’un actif ou d’un objet de collection.
Une demande de l’ARC indique que le ministre du Revenu national du Canada s’inquiète du fait que des contribuables utilisent l’économie souterraine anonyme pour échapper à l’impôt.
Cependant, le principal auditeur en cryptomonnaie de l’agence indique dans des documents connexes que l’ARC estime qu’il n’existe aucun moyen fiable d’identifier les contribuables opérant dans le domaine des cryptomonnaies et d’évaluer s’ils respectent leurs obligations en matière de déclaration fiscale.
La société ne s’est pas opposée à l’enquête, mais les documents montrent que l’ARC a initialement cherché à obtenir des informations sur les 18 000 principaux utilisateurs de Dapper. Des négociations avec les responsables de la société et ses avocats ont finalement permis de réduire ce nombre à 2500 utilisateurs.
C’est seulement la deuxième fois qu’un tribunal ordonne de dévoiler l’identité des clients d’une société canadienne de cryptomonnaie dans le cadre d’une enquête visant à débusquer d’éventuels fraudeurs fiscaux.
Une déclaration sous serment de Predrag Mizdrak, chef de projet au sein de la division de conformité numérique et d’aide à l’audit de l’agence, indique que le secteur des cryptoactifs est très présent dans l’économie souterraine.
Dans sa déclaration sous serment, M. Mizdrak affirme que l’agence a pu constater une non-conformité importante dans ce secteur.
Il souligne que les données précédentes montrent qu’environ 15 % des contribuables canadiens qui utilisent des plateformes de cryptoactifs «n’ont pas déclaré leurs impôts à temps ou ne les ont pas déclarés du tout».
L’agence indique que 30 % des utilisateurs qui remplissent une déclaration de revenus « ont été classés comme présentant un risque élevé de non-conformité ».
«L’utilisation des cryptoactifs s’est considérablement développée pendant la pandémie de COVID-19, peut-on lire dans la déclaration sous serment de M. Mizdrak. Cela a créé des défis supplémentaires en matière de conformité pour l’ARC en raison de l’anonymat inhérent à l’espace cryptographique, du volume des transactions et de la facilité avec laquelle il est possible de créer des comptes sur de nombreuses plateformes de cryptoactifs à travers les frontières. »
Cinq enquêtes
L’ARC indique que cinq enquêtes criminelles portant sur des actifs numériques ont été lancées au cours des cinq dernières années, dont quatre étaient toujours en cours en mars de cette année, mais aucune accusation n’a été portée.
Les enquêtes criminelles de l’ARC sont complexes et prennent souvent des années, se défend l’agence. La durée nécessaire à l’enquête dépendra de la complexité, du nombre de personnes impliquées, de la disponibilité des preuves, des demandes d’assistance internationale et du niveau de coopération des témoins afin de déterminer si des poursuites pénales sont justifiées.»
Les entreprises visées par les exigences des personnes non désignées ne sont pas accusées d’actes répréhensibles. Un tribunal n’approuvera une demande si elle concerne un groupe «vérifiable» et si les données obtenues sont utilisées par l’ARC pour vérifier la conformité fiscale.
Le Centre d’analyse des opérations et déclarations financières du Canada (CANAFE)a infligé cette année des sanctions à des entreprises de cryptomonnaie pour non-respect de la loi canadienne sur le recyclage des produits de la criminalité et le financement des activités terroristes.
Sans frontières, mais pas sans loi
Jessica Davis, présidente d’Insight Threat Intelligence, est une experte en financement illicite qui a travaillé pour le CANAFE et le Service canadien du renseignement de sécurité.
Elle a déclaré que les 100 millions $ collectés grâce aux audits liés aux cryptomonnaies représentaient une «prise assez importante».
Mme Davis s’est dite surprise qu’aucune accusation pénale n’ait encore été portée, étant donné que les actifs cryptographiques existent depuis des années, mais qu’il a fallu du temps pour que le grand public en prenne conscience.
«Les gens ne comprennent toujours pas tout à fait que les profits réalisés sur les cryptomonnaies sont en fait imposables, ce qui est assez bizarre, dit-elle. Les gens ont longtemps pensé qu’ils y échappaient, ce qui n’est évidemment pas vrai.»
Elle souligne que le Canada se débrouillait «très bien» sur le plan réglementaire et que, malgré l’absence des frontières, cet espace n’était pas «sans loi».
«C’est sur le plan de l’application de la loi que nous rencontrons le plus de difficultés. Il s’agit en fait de mener des enquêtes sur les crimes financiers, de porter des accusations et de démontrer l’efficacité de notre régime.»
Le ministre des Finances, François-Philippe Champagne, a annoncé en octobre que la nouvelle agence chargée de la criminalité financière «enquêterait sur les cas complexes de blanchiment d’argent, d’activités criminelles organisées et d’escroqueries financières en ligne».
Selon le ministère des Finances du Canada, cette agence sera «la toute première organisation canadienne dédiée à l’enquête sur les crimes financiers sophistiqués et au recouvrement des produits illicites des criminels».