De nouvelles lignes directrices sur la prévention du VIH, axées sur la PPrE

La Presse Canadienne | 2 décembre 2025 | 05:00
A photograph of an HIV self-test kits, photographed at the Toronto People With Aids Foundation office, in Toronto, Friday, Feb., 16, 2024. THE CANADIAN PRESS/Christopher Katsarov

Une coalition de médecins de partout au Canada publie de nouvelles lignes directrices sur la prescription de médicaments préventifs contre le VIH, en mettant l’accent sur la promotion et la sensibilisation accrues à cette nouvelle classe de médicaments.

Les lignes directrices cliniques, publiées lundi dans le Journal de l’Association médicale canadienne, proposent 31 recommandations et 10 bonnes pratiques pour la prescription de médicaments antirétroviraux avant et après une exposition potentielle au VIH, afin de prévenir l’infection.

Le Dr Darrell Tan, auteur principal de l’étude, a indiqué que 19 médecins ont bénévolement consacré leur temps au cours des trois dernières années à l’examen des recherches les plus récentes et à la rédaction des nouvelles lignes directrices. L’éventail des options de prophylaxie préexposition (PPrE) et de prophylaxie post-exposition (PPE) disponibles s’est élargi depuis la publication des dernières lignes directrices en 2017.

Ces recommandations visent à freiner la hausse des infections au VIH au Canada observée ces dernières années, dans le cadre de l’objectif national d’éliminer cette infection transmissible sexuellement en tant que menace pour la santé publique d’ici 2030.

«Nous sommes loin d’atteindre cet objectif ambitieux», a souligné le Dr Tan, médecin-chercheur à l’hôpital St. Michael’s.

De nouvelles données publiées lundi par l’Agence de la santé publique du Canada font état de 1826 nouveaux cas de VIH diagnostiqués en 2024.

La ministre fédérale de la Santé a qualifié ce chiffre de «légère diminution» après plusieurs années de hausse au Canada.

«Nous sommes conscients que le VIH demeure une préoccupation au Canada, en particulier parmi les personnes plus vulnérables qui en subissent les conséquences de manière disproportionnée», a souligné lundi Marjorie Michel dans un communiqué commun avec la ministre des Services aux Autochtones, Mandy Gull-Masty. 

Les nouvelles données ne comprennent pas celles du Québec, car la province ne les a pas fournies. On y a recensé 476 nouveaux cas en 2023.

Les données de 2024 marquent une rupture avec la hausse constante des nouveaux cas observée depuis 2021, année où plus de 1450 personnes ont reçu un nouveau diagnostic. En 2022, on comptait 1800 premiers diagnostics et en 2023, 2434.

Le Dr Sean Rourke, chercheur au Centre MAP pour les solutions en santé urbaine de l’hôpital St. Michael, a indiqué que la baisse de 2024 n’est pas significative et que les chiffres au Manitoba et en Saskatchewan demeurent trois ou quatre fois supérieurs au taux national.

«Je crois que la PPrE a un potentiel incroyable, mais nous n’en constatons pas encore les bienfaits», a-t-il affirmé.

Qui est touché?

Selon le Dr Tan, ces chiffres des dernières années sont attribuables à de «profondes inégalités historiques et structurelles» qui désavantagent certaines populations en matière d’accès à la PPrE et la PPE.

Plus du tiers des nouvelles infections concernent des femmes, 38 % des hommes gais, bisexuels et autres hommes ayant des relations sexuelles avec des hommes, et 25 % des personnes qui s’injectent des drogues.

Les infections ont durement touché certaines communautés autochtones, particulièrement dans les Prairies.

Le Dr Tan a déploré que les autorités nationales, provinciales, régionales et territoriales n’aient pas davantage diffusé de messages de santé publique sur la PPrE et la PPE afin de lutter contre la stigmatisation qui entoure parfois ces médicaments. «Presque tous les Canadiens savent pertinemment que les autorités de santé publique sont favorables à la vaccination contre la grippe», a-t-il soutenu.

«C’est un échec de la part des autorités de santé publique de ne pas avoir diffusé le message de façon positive.»

L’Agence de la santé publique du Canada affirme assurer un leadership national en matière de prévention et de contrôle des infections transmissibles sexuellement et par le sang grâce à son guide sur le sujet destiné aux professionnels de la santé.

Dans ce guide, l’agence fédérale fait référence aux lignes directrices sur la PPrE contre le VIH élaborées par le Réseau canadien d’essais cliniques sur le VIH des Instituts de recherche en santé du Canada.

Faciliter l’accès à la PPrE

La nouvelle ligne directrice stipule qu’un professionnel de la santé devrait prescrire la PPrE à toute personne qui en fait la demande, même si celle-ci ne divulgue pas ses facteurs de risque de VIH, plutôt que de faire en sorte que les médecins en contrôlent l’accès.

«Il existe de nombreuses raisons pour lesquelles les gens peuvent ne pas divulguer leurs comportements à risque de VIH aux professionnels de la santé, notamment la honte, la méfiance envers le système médical et les obstacles structurels liés à l’homophobie, à la transphobie, au racisme, aux pratiques coloniales, à la stigmatisation liée au VIH et à d’autres formes de discrimination», précise la ligne directrice. 

La Dre Ameeta Singh, membre du comité d’élaboration des lignes directrices, a déclaré que celles-ci visent à faciliter l’accès à la PPrE.

Les médecins de toutes les spécialités, notamment en soins primaires et en santé reproductive, devraient également proposer activement ce médicament s’ils identifient des facteurs de risque, comme les rapports sexuels non protégés, des antécédents d’infection sexuellement transmissible bactérienne, un nombre élevé de partenaires et l’injection de drogues.

L’éventail croissant des options de PPrE disponibles est également abordé, et les lignes directrices décrivent les situations appropriées dans lesquelles elles devraient être proposées. Outre les comprimés quotidiens et «à la demande», Santé Canada a approuvé un médicament injectable à action prolongée en 2024.

Cette option à action prolongée se prend tous les deux mois, ce qui, selon la Dre Singh, est particulièrement avantageux pour les personnes qui s’injectent des drogues et qui ont un logement instable, car il serait difficile de prendre un comprimé quotidiennement.

«C’est là que les agents injectables ont un énorme potentiel», a souligné la Dre Singh, professeure clinicienne à la division des maladies infectieuses de l’Université de l’Alberta.

Elle a ajouté que la prochaine étape consiste pour les décideurs politiques à faire de la mise en œuvre de ces lignes directrices une priorité. 

Appel à l’action

Le Dr Sean Rourke aurait souhaité que les lignes directrices abordent davantage la question des moyens d’atteindre les communautés présentant les taux de VIH les plus élevés, en particulier les Autochtones des Prairies.

Selon l’organisme Communities, Alliances and Networks, qui traite des enjeux liés au VIH dans un contexte autochtone, les Autochtones représentaient 19,6 % des nouveaux diagnostics de VIH en 2023 (lorsque l’origine ethnique était rapportée) et seulement 5 % de la population.

«Le document ne dit rien sur la façon d’atteindre ces personnes», a-t-il affirmé.

Le Dr Rourke et une équipe de défenseurs des droits des personnes vivant avec le VIH collaborent avec des leaders autochtones afin d’atteindre les populations des communautés les plus touchées du Canada. Un programme de dépistage du VIH qu’ils ont lancé en mars pour les communautés mal desservies et éloignées des Prairies a permis de dépister plus de 1500 personnes. 

«Ce sont les plus vulnérables qui sont touchés, trois ou quatre fois plus que prévu, car d’autres facteurs entrent en jeu et le filet de sécurité sociale est inexistant», a-t-il indiqué.

Le Dr Rourke a expliqué que des solutions comme ce programme de dépistage existent déjà pour remédier aux inégalités en matière de santé.

Cependant, a-t-il ajouté, «cela ne se fait pas tout seul. Et c’est là le problème.»

La couverture en santé de La Presse Canadienne est soutenue par un partenariat avec l’Association médicale canadienne. La Presse Canadienne est seule responsable de ce contenu journalistique.

Version corrigée. La Presse Canadienne écrivait qu’un programme de dépistage du VIH lancé en mars pour les communautés mal desservies et éloignées des Prairies a permis de dépister plus de 15 000 personnes. Il aurait plutôt fallu lire que le programme a permis de dépister plus de 1500 personnes.